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Le chat et la lune
13 mars 2018

Le marais des chimères : la porte de l'Automne

Pourquoi suis-je toujours trempé

Par des flaques de fantômes ?

Ils ont fauché mon teint de vivant,

Se déguisent-ils aussi avec des rêves ?

 

Les frontières du royaume de l'hiver

Sortent du brouillard et se dressent devant moi,

Pas rideau de fer mais plutôt muraille de glace,

Bâtie sous une chaîne de montagnes qui fait écran au soleil.

 

La lumière du jour n'est pas la bienvenue au coeur de la nuit ;

Pas même un rayon de soleil aussi fin qu'un brin de paille

Ne pourrait franchir les ombres qui lui font rempart, prêtes à tout

Pour l'empêcher d'atteindre la vallée et d'y faire germer l'été.

 

J'arrive devant la seule porte que j'ai aperçue à travers le blizzard,

Une porte de glace dont la couleur est moins sombre que le reste,

Un pont-levis qui s'abaisse sûrement rarement pour atteindre la lumière ;

Aucune sentinelle autour mais une inscription est gravée au-dessus :

 

« Si ton coeur n'est pas encore de glace, tu n'as pas ici ta place,

Si ta peau n'a pas encore pris l'apparence de la roche,

Si dans tes veines coule encore du sang au lieu de flots de neige,

Pars d'ici, aussi loin que possible, vers le pays des lumières. »

 

Sur ces mots, la porte s'ouvre dans un craquement d'arbre millénaire,

J'entre dans un tunnel de glace long de plusieurs mètres,

J'avance vers la lumière comme dans les récits mythologiques,

Puis le tunnel laisse place à un pont qui mène à d'autres terres,

Sur lesquelles je vais poursuivre mon odysée de revenant.

 

Je marche sur le pont, j'entends derrière moi une immense explosion,

En me retournant, l'île a laissé place à un immense cratère ;

Elle s'est désintégrée en une poignée de secondes,

Comme un sac de farine que l'on aurait jetté par-terre

Pour éclabousser la mer, pour nourrir l'écume.

 

En quelques secondes, l'air marin a une odeur sucrée-salée,

Un mélange de souffre, de sucre, de vapeur d'eau et de neige ;

On pourrait croire que quelqu'un prépare une tarte aux vagues.

En quelques secondes, un nuage géant de sucre glace envahit le ciel

Et saupoudre le sol de millions de flocons artificiels.

 

En quelques secondes, le ciel devient fantomatique,

Porté disparu, il vient de plonger en piqué dans la mer

Pour brouiller les radars et se reposer dans l'ombre.

En quelques secondes, un goût d'apocalypse manquée dans ma bouche,

Une peur suivie d'un soulagement de ne pas m'être évaporé avec lui.

 

Au bout du pont se dessine un autre pays qui ne respire pas encore la vie ;

Le royaume de l'hiver laisse place à celui de l'automne ;

Après plusieurs kilomètres, loin de la muraille de la glace,

Le sol se dégèle, la neige fond partout et se change en grands lacs.

 

Les lacs s'entremêlent par dizaines jusqu'à l'horizon tels des lacets ;

Ils se rejoignent au loin, prisonniers d'un cratère où ils forment un marais.

Une immense forêt a poussé à côté, elle a dû rayonner autrefois

Mais elle semble avoir terminé depuis longtemps son âge d'or.

 

Tout est un amas de ruines vaguement vertes et envahies

Par une foule de feuilles mortes qui les étouffent.

Tout a l'air d'être devenu un puits aux peines perdues,

Je vois des centaines d'ombres perdues qui paradent

 

Dans un pays de chimères.

 

Ma peau a la couleur de la pluie

Des gouttes de temps perlent dessus.

Je porte un collier de perles poreuses

Qui tombent sous mes pas puis s'évaporent

 

Dans un pays de poussières.

 

Pourquoi suis-je toujours trempé

Par des flaques de fantômes ?

Ils ont fauché mon teint de vivant,

Se déguisent-ils aussi avec des rêves ?

 

Comme un planeur qui s'écrase dans une jungle

Et qui a survécu à un crash, me voilà explorateur.

Mon enveloppe humaine n'est plus qu'un placard

Dans lequel se déchirent mes sentiments et mes pensées.

 

Je cherche à nouveau une porte de sortie pour me sortir de là,

Pour déserter ce pays qui a des allures de grand cimetière.

J'enrage de valser avec la solitude comme par le passé,

Quand j'étais déjà entouré de fantômes, quand je devais tracer ma route

 

Dans un pays sans lumières.

 

Des oiseaux blancs volent au-dessus de la plaine où j'avance,

De loin on dirait des pages qui se sont échappées d'un livre.

Mon corps se change en plume et l'encre de mes yeux coule sur le sol,

Les gouttes forment des flèches qui vont vers la forêt.

 

Je suis comme un personnage prisonnier d'une histoire

Qui s'écrit au fur et à mesure de mon chemin.

Je ne sais pas si le dénouement est déjà décidé,

J'aimerais avoir mon mot à dire dans l'histoire.

 

J'ai lu un jour que les mots dits avec le coeur sont des pétales de son âme,

Qui se plantent dans nos parts d'ombre pour y faire germer des fleurs.

Mes doigts plongent dans mon crâne pour ouvrir la cage aux mots fous,

Pour que mes souvenirs et mes rêves puissent semer des graines


Dans un pays
où tout est à refaire.

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